L’arrivée des Irlandais au Canada: leur traversée et passage à Grosse-Ile

Pour plusieurs Irlandais, la fuite du pays fut de tomber de Charybde en Scylla.  La traversée était éprouvante.  Le bateau était surchargé, l’alimentation déficiente et l’hygiène primitive.  Du résultat de toutes ces conditions ont surgit une pléiade de maladies contagieuses et un nombre élevé de morts.   Nous pouvons avancer l’hypothèse que seuls les plus robustes survivraient à cette croisière infernale.

A leur arrivée au Canada, les Irlandais devaient s’arrêter à Grosse-Île qui baigne dans les eaux du fleuve Saint-Laurent près de la ville de Québec. 

C’était leur premier contact avec leur nouveau pays.  Loin d’être enfin en sécurité, les Irlandais survivants se résigneraient à affronter une épidémie de choléra. Les médecins et infirmières succombaient aussi à la terrible maladie.  

Cimetière à Grosse-Ile, L'Encyclopédie canadienne

 

 

L’île deviendrait un monde de morts, de malades et de vivants.

Voici la reproduction partielle d’un poème écrit par Mary Eileen O’Gallager-Conway à l’âge de seize ans.

O solitary isle – whereon a granite sentinel does stand

For all to see, from great ships passing by,

In memory of the thousands who did die

Upon your shore, far from their own dear native land.

Les premiers colons irlandais à Rawdon

Entre 1828 et 1830, on note une arrivée massive d’immigrants irlandais.  Certains choisiront de se joindre à une première cohorte d’Irlandais arrivée dans le Canton de Rawdon. Les Églises catholiques et protestantes serviront de médiateurs  entre les Irlandais et les Canadiens français et anglais.  Certaines églises offriront des offices bilingues.

Rivière Ouareau, photo Sterenn Léonard

Le mélange des origines s’obtiendra par des mariages et des adoptions par des Canadiens d’orphelins irlandais.

Plutôt que de s’entasser dans les villes, les Irlandais choisiront de s’établir en milieu rural.

Le clergé et les Irlandais

Par un matin brumeux, au début des années 1800, le curé Jean-Romuald Paré (1779-1858), prêtre des paroissiens de Saint-Jacques-Les-Mineurs, amorce un long parcours dans une nature sauvage pour apporter la parole de Dieu et ses saints sacrements à plus d’une quarantaine d’Irlandais installés sans autorisation dans le Canton de Rawdon

Curé Jean Romuald Paré, La Société des défricheurs de Chertsey

sur les rives de la rivière Ouareau.. Ce curé animé d’une grande charité chrétienne entretiendra des relations avec la communauté irlandaise pendant de nombreuses années.

Des Irlandais vaillants et joyeux de nature qui s’échinaient sur des terres fertiles.  Pour échapper à la famine et aux guerres, ces représentants d’un peuple courageux avaient traversé la mer et maintes privations pour s’établir dans un pays inconnu, mais porteur d’espoir.

En 1825, le Curé Jean-Marie Bélanger (1788-1856) de Saint-Paul recense 128 Irlandais habitant le territoire du Canton de Rawdon.

Digne successeur du curé Paré, l’abbé Jean-Marie Bélanger (ou Joseph-Marie Bellenger) adresse une lettre significative à Monseigneur Jean-Jacques Lartigue (1777-1820)

Voici le contenu de cette lettre datée du 28 juin 1825 :

J’ai été dernièrement, à la demande de M. Paré, faire une mission chez lui, pour les Irlandais qui sont dans le township de Rawdon.  Ils étaient une quarantaine, quoiqu’ils ne fussent pas tous venus à l’église.  Et ce nombre doit être augmenté par l’arrivée de plusieurs autres familles, qui ont déjà pris des terres dans la township.

J’ai trouvé parmi eux trois protestants, un homme et deux femmes, qui veulent se faire catholiques. 

 

Le 9 octobre 1828, l’Abbé Bélanger écrit de nouveau à son évêque:

Patrick McMachon (1795-1851), prêtre dévoué aux Irlandais. Un genre de prêtre itinérant. Dictionnaire biographique du Canada

Monseigneur, permettez-moi s’il vous plait de parler de Rawdon.  Je suis bien dans l’intention de continuer cette mission.  J’ai même dessein d’y aller dès que j’aurais réponse de votre Grandeur, je ne sais si leur chapelle est finie, en ce cas je vous demanderais de dire la messe dans la maison où M. McMahon a continué de la dire. Je pense aussi, Monseigneur, qu’il ne serait pas mal à propos d’engager ces gens à payer quelque chose soit par dîme ou par tête, quand ce ne serait que pour défrayer les dépenses de voyages, qu’il qu’il faut faire à ses propres frais.

M. Paré avait fait entendre (devant moi) les premières années, qu’il les exemptait de dîme ; mais si je les reprends je voudrais que M. Paré n’eut rien à faire la, que ce qui se peut faire par voie de charité ou complaisance, comme des baptêmes, mais quand a la publication des bans, les mariages et sépultures, puisque mes titres portent que je suis pasteur des Irlandais de Rawdon, je voudrais que cela fut de ma compétence

Les célébrations de la Saint-Patrick à Rawdon, Qc

Depuis 1978, la ville de Rawdon célèbre avec une parade et diverses activités ses ancêtres irlandais.

Tout de vert et de verres, la foule des descendants réels ou imaginaires des Irlandais, inondent les trottoirs de la Queen.

Guidé fièrement par le « Grand Marshall », le défilé exhibe une pléiade d’organisations locales avec évidemment la couleur verte comme dénominateur commun.

Le « Grand Marshall » est un dignitaire Rawdonnois nommé un fois l’an.  Il symbolise l’honneur et sa dignité ajoute une touche cérémoniale au défilé.

Francois Dupuis, Grand Marshall de la parade de la Saint-Patrick, 2023; crédit photo Marie-Odile Roy
Tableau des "Grand Marshall" préparé par la Municipalité de Rawdon

Qui était Saint Patrick?

Icône de Saint Patrick, Apôtre d'Irlande, Wikipedia

Né Maewyn Succat en Bretagne insulaire, Saint Patrick introduisit le christianisme en Irlande.

Jamais officiellement canonisé par Rome, il est le saint patron des Irlandais, des ingénieurs et des dresseurs de serpent.

Il utilisa le trèfle à trois feuilles pour illustrer la Sainte-Trinité

La légende raconte que lors d’une bénédiction, il chassa tous les serpents d’Irlande.

Les noms de familles irlandais

Certains Irlandais choisiront de franciser leurs noms de famille.

Sullivan et 0’sullivan deviendront Sylvain

O’Reilley deviendra Riel

Marone deviendra Morin

Carter deviendra Chartier

McGee deviendra Mainguy

Plusieurs conserveront leurs patronymes.

Lane, Redmond, Blagrave, Copping, Parkinson, Marlin, Jones, Fitzpatrick, Hamilton, O’Connor, McMahon, Rourke, Tinkler…

Les prénoms irlandais les plus courants sont pour les garçons Patrick, Liam, Nolan, Lean, John, Oran et Owen, pour les filles Kate, Una, Noreen, Erin, Lana, Mary…

Les descendants célèbres d'Irlandais

Louis Riel (1844-1885)

Claude Ryan (1925-2004)

Brian Mulroney (1939-2024)

Jean Charest (1958 –  )

La Bolduc, Mary Travers (1894-1941)

Émile Nelligan (1879-1941)

Sources

L’Action populaire du 26 septembre 1956

McQuillan, Aidan.  Des chemins divergents : les Irlandais et les Canadiens français au XIX siècle

Municipalité de Rawdon

O’Gallager, Marianna. Grosse-Île -Porte d’entrée du Canada 1832-1937

Université Concordia. Les Irlandais au Québec

Wikipedia.