Cette année de 1823 marque d’ailleurs une étape significative dans l’histoire de Rawdon. C’est en effet cette année-là que le gouvernement commence à émettre les premières lettres patentes faisant des détenteurs de billets de location, qui ont rempli leurs obligations, les propriétaires de leur terre. Le 14 août 1823, le révérend James Edmund Burton devient ainsi le tout premier résident de Rawdon à obtenir ses lettres patentes. Entre 1825 et 1835, 118 colons deviennent aussi légalement propriétaires de leurs terres. Rawdon connaît alors une période de progrès considérable.
Dans un livre intitulé « Official tour through Lower Canada » publié en 1825, l’arpenteur général du Bas-Canada, Joseph Bouchette, indique qu’à ce moment, la population de Rawdon se compose à 75 % d’Irlandais. Il note en outre que 796 acres de terre sont défrichées, dont 546 en culture. Et que les colons possèdent au total 44 maisons, 25 granges, 19 chevaux, 85 vaches, 27 porcs et 7 moutons!
De 1825 à 1832, Rawdon continue à se développer et à progresser. De nouvelles terres sont défrichées, on construit de nouvelles routes et de nouveaux ponts et la population continue de s’accroître. En 1832, l’arpenteur Bouchette publie un nouveau document où il fait de nouveau référence à Rawdon. Ce texte nous permet de mieux mesurer la progression qu’a connue le village entre les années 1825 et 1832. Voici ce qu’il écrit :
« La population est principalement composée d’immigrants irlandais; ces derniers sont assez progressifs. Les habitants de Rawdon tirent beaucoup d’avantages de la présence du moulin de M. Philémon Dugas, situé sur le lot 24 du premier rang. À cet endroit, la route tourne pour pénétrer à l’intérieur du canton jusqu’au 7e rang. Depuis le moulin Manchester, situé à un mille au sud de celui de M. Dugas, la route traverse une partie de Rawdon, dont le reste n’est qu’un sentier. »
« Peu de cantons sont aussi bien arrosés que celui-ci, car il ne possède pas moins de quatre rivières et de nombreux ruisseaux. Les rivières sont : la Ouareau, la Rouge, la Blanche et une branche de la rivière Saint-Esprit. Les rivières de la région sont traversées par un ou plusieurs ponts. Il y a cinq ponts au total, construits par les colons. »
« Le Grand Voyer (c’est le nom que portait autrefois l’inspecteur général des chemins vers 1850) a tracé plusieurs routes depuis le sud du canton vers l’intérieur. Toutes ces routes sont maintenant carrossables en voiture. Une route est ouverte jusqu’à Berthier en passant par le “Grand Ruisseau” (de Saint-Jacques – “le grand rang”). »
« On récolte une grande quantité de sucre d’érable dans Rawdon. Le lin est aussi cultivé avec beaucoup de succès. L’élevage est surtout la spécialité des Canadiens français. Il existe une école publique au village depuis quelques années. La majorité des colons s’établirent sur les bords de la rivière Ouareau, ce qui représente plusieurs avantages dont un excellent sol propice à la culture. Rawdon possède une industrie regroupant trois moulins à farine, quatre scieries et huit potasseries. La population est de 850 âmes. »
Joseph Bouchette, Topographic Description of Lower Canada, 1832 (Traduction de l’anglais)
Rawdon connaît un nouvel essor en 1837 au moment où Mgr Lartigue, évêque de Telmesse et coadjuteur de l’évêque de Québec pour la division ecclésiastique de Montréal, érige Rawdon en paroisse catholique. Dès lors, de nombreux colons canadiens français délaissent les paroisses surpeuplées du sud pour venir s’établir à Rawdon.
Le recensement de 1844 établit la population de Rawdon à 2607 personnes. Elle se compose alors de 926 Canadiens français, 883 Canadiens anglais, 695 Irlandais, 64 Anglais, 23 Écossais, 2 Américains et 14 « autres ». Pour la première fois, les Irlandais ne constituent plus la majorité de la population. Mais avec les Canadiens français, ils forment une très importante paroisse catholique.
La croissance de Rawdon ne se limite pas à sa population. L’industrie et le commerce sont également en progrès. On compte alors 465 maisons,13 moulins à farine, 9 scieries, 21 potasseries, une boutique de forge, une tannerie et 4 auberges.
Si l’on peut retrouver la présence de quelques familles canadiennes-françaises à Rawdon vers le début des années 1820, il faut attendre 1850 pour voir l’apparition d’une véritable communauté francophone. Nombre de familles acadiennes quittèrent alors la vallée de Saint-Jacques pour venir s’installer sur le plateau rawdonien. De foi catholique, comme les Irlandais, la communauté canadienne française participa activement au développement de la colonisation, notamment par le biais du curé Landry qui obtint de haute lutte que le chemin de fer passe par Rawdon (1910). Ce chemin de fer contribua dans une large mesure au développement touristique et industriel de Rawdon.
Dans les années qui suivent, Rawdon continue à se développer et se dote d’institutions comme des conseils municipal et scolaire et l’on voit apparaître des églises de différentes croyances. Puis à compter de 1920-1930, Rawdon connaît une nouvelle vague d’immigration. Russes et Polonais sont les premiers à faire de Rawdon leur nouvelle terre de prédilection et à y établir des communautés d’importance. Ils sont bientôt suivis par des Hongrois, des Ukrainiens, des Allemands, des Tchécoslovaques et autres meurtris des deux grandes guerres (1914-18 et 1939-45).
C’est ainsi que se développa, au fil des années, le visage multiculturel de Rawdon.